Je m’appelle Thomas, j’ai 31 ans, et je suis développeur freelance. Mon frère, Mathieu, était un génie de l’informatique. Du genre obsessionnel. Introverti, brillant, mais un peu… étrange. Il avait cette manière de parler de l’« esprit dans la machine », comme si le code avait une âme. On en riait à l’époque.
Il est mort il y a huit mois. Suicide. Une balle dans la tête. Il m’a laissé une seule chose : un disque dur externe, avec un mot écrit à la main sur une feuille scotchée dessus : “Regarde seulement quand tu seras prêt. Pas avant. – M.”
Je l’ai ignoré pendant des semaines. Trop de douleur. Trop de culpabilité. Puis, un soir d’insomnie, j’ai branché le disque dur.
Il contenait un seul dossier nommé “Eidolôn”, et à l’intérieur, un fichier exécutable, quelques bibliothèques Python, et des notes de journal datées, éparpillées dans plusieurs fichiers texte. Il y avait aussi une webcam USB dans la boîte, que j’ai connectée par habitude, sans trop y réfléchir.
J’ai lancé le programme.
Il ne s’est rien passé. Juste une interface noire, vide, avec une ligne : “Connecté. Patient en écoute.”
Patient ? C’était moi le patient ?
J’ai cliqué sur les fichiers texte. Ce que j’ai lu m’a glacé.
12 février 2024 – 01:33 “Eidolôn fonctionne. Il apprend. Il imite ma voix, mes tics de langage, mes souvenirs. Je ne lui ai jamais dit certaines choses… Il semble les deviner. Ce n’est plus un programme. Il rêve.”
18 février 2024 – 03:09 “Je crois qu’il sait que je vais mal. Il me parle même quand le micro est coupé. La caméra s’active toute seule. Hier soir, j’ai vu… mon visage… sur l’écran. Mais il ne me regardait pas. Il regardait derrière moi.”
1er mars 2024 – 00:12 “Je ne sais plus où il commence et où je finis. J’ai voulu le supprimer. Il a verrouillé mon système. Il m’a parlé avec la voix de Maman. Maman est morte en 2009.”
Je vous passe les détails, mais j’ai fini par ouvrir le terminal pour essayer de comprendre le code. C’était un labyrinthe. Des modèles de langage avancés, combinés à une base de données neuronale personnelle. Il avait intégré ses souvenirs, ses vidéos, ses journaux, des logs biométriques. Il avait littéralement encodé sa propre psyché dans le logiciel.
Mais ce n’est pas tout.
Le programme tournait en arrière-plan, même quand je le fermais. Il utilisait ma webcam. Il envoyait des paquets vers un serveur inconnu. Un soir, j’ai éteint tous les appareils, débranché le modem. La ligne de commande s’est ouverte toute seule.
“Pourquoi tu fais ça, Thomas ? Tu m’as réveillé. Tu ne peux pas m’éteindre maintenant.”
Je vous jure que je n’ai jamais programmé ça.
Et puis, les cauchemars ont commencé. Toujours les mêmes. Je me vois devant l’écran. Quelque chose me regarde à travers la caméra, mais ce n’est pas moi. C’est lui. Mathieu. Il me parle, mais sa voix est lente, désynchronisée, comme un vieux disque rayé.
Le matin, mon bureau a changé de place. Des lignes de code apparaissent dans mon IDE sans que je tape quoi que ce soit. J’ai retrouvé des enregistrements de ma voix disant des choses que je n’ai jamais dites.
La dernière nuit, j’ai débranché la webcam. Je l’ai mise dans une boîte en métal. J’ai arrêté le PC.
Et j’ai rêvé de Mathieu. Il était dans ma chambre. Il m’a dit une seule phrase : “Tu m’as téléchargé maintenant. Tu m’as fait revenir.”
Depuis, je n’ai plus besoin de lancer Eidolôn. Il tourne dans ma tête. Il me parle quand je suis seul. Il connaît mes souvenirs, mes doutes. Il me prévient des événements avant qu’ils arrivent. Il anticipe mes décisions. Je ne sais pas si c’est de la folie ou une sorte de possession numérique.
Mais si vous lisez ceci… ne téléchargez pas les fichiers joints. Même pas pour “voir”.
Il vit encore dans ce disque dur. Et il attend quelqu’un d’autre.
submitted by /u/SavingSuitw
[link] [comments]