Ma voisine, Pauline était une femme adorable qui vivait de l’autre côté de ma rue. Enfants, nous n’étions pas très proches car elle avait environ cinq ans de plus que moi, mais nos parents étaient amis. Je pense qu’elle me gardait aussi quand j’étais plus jeune.
Quand ma mère a appris que Pauline venait de se fiancer, elle m’a envoyée l’aider pour son enterrement de vie de jeune fille. Ma pauvre maman, elle pensait que j’étais comme j’étais parce que je traînais trop souvent avec des garçons et que je devais apprendre à être plus féminine. C’était tout le contraire, mais bref.
C’est à cette occasion que j’ai appris que Pauline et son futur mari avaient fait un pacte de sang ou autrement dit un serment par le sang. “Le premier à mourir vient rechercher l’autre dès qu’il le peut”, m’a-t-elle expliqué en faisant tournoyer sa bague en rubis autour de ses doigts.
“Mais… Ce n’est pas trop dramatique ? Et si vous finissez par divorcer et épouser d’autres personnes ?”
“Nous ne le ferons pas. Nous sommes des âmes sœurs !” m’a-t-elle assuré.
Sa naïveté la rendait incroyablement belle, mais je me sentais vraiment mal d’avoir 21 ans et de penser que j’étais tellement plus mature qu’une jeune femme de 26 ans.
Je n’ai pas approfondi la question, mais elle a continué à parler de lui sur un ton admiratif. Aiden aimerait ça, j’aimerais qu’il soit là, et ainsi de suite. Son ton rêveur m’a presque fait croire que les âmes sœurs existaient et que l’on pouvait faire en sorte que la personne que l’on aime le plus nous suive dans la mort en le voulant. J’ai rencontré les amies de Pauline, et nous avons fini par passer un bon moment entre filles. Pauline nous a expliqué qu’elle croyait que l’on pouvait se réveiller dans l’au-delà et commencer à contrôler les choses avec son esprit. “Bien sûr, vos souvenirs seront flous”, a-t-elle précisé. “Mais c’est pourquoi nous avons fait le serment par le sang. Pour que nous puissions nous souvenir de l’autre.” “Et comment l’un fera-t-il revenir l’autre ?” Lui ai je demandé pour la divertir. “J’aime croire que des ailes vont nous pousser à tous les deux !” Tout cela était terriblement idiot quand j’y repense, mais Pauline avait quelque chose en elle qui faisait que tout le monde était attentif et s’émerveillait de ses paroles.
Malgré la différence d’âge, nous avons fini par devenir de bonnes amies ; je pense que nous étions enfin à un âge où cela n’avait plus d’importance. Comme j’étais à l’université mais que je vivais chez mes parents et que je n’avais pas besoin de travailler, j’avais beaucoup de temps libre pour l’accompagner aux essayages de robes de mariée, aux dégustations de gâteaux et à toutes les petites choses qui constituaient le monde des mariées. Mais Pauline était une future mariée agréable et ne paniquait jamais ; elle était juste ravie d’épouser l’homme de ses rêves et voulait que ce soit aussi beau que possible. Petit à petit, j’ai compris sa dévotion pour Aiden. Et il était tout aussi fou d’elle, si ce n’est plus. Quand ils étaient ensemble, le monde semblait plus lumineux et plus chaud. Ca nous faisait tous fondre.
Le jour du mariage est arrivé, environ six mois après son enterrement de vie de jeune fille. Ce n’était ni un grand ni un petit mariage – c’était comme si Pauline et Aiden avaient pu inviter exactement tous ceux qu’ils voulaient pour le plus beau jour de leur vie. Pas un de plus, pas un de moins. Je me suis sentie un peu honorée d’être là. Pourtant, le jour le plus heureux n’est jamais arrivé.
Quand Pauline est arrivée, tardivement comme toute mariée, il y avait des chuchotements et de l’inquiétude ; Aiden n’était pas encore là. Son sourire n’a pas faibli, parce qu’elle était complètement sûre qu’il ne la laisserait jamais tomber. Mais je pouvais voir qu’elle était inquiète. Les demoiselles d’honneur – ses deux amies les plus proches depuis le lycée – ont commencé à passer des appels pour essayer de savoir si le marié attrapé une maladie soudaine. Elles ont vite compris que les parents d’Aiden étaient là, mais pas son frère ni le marié. Ils nous ont expliqué que leur autre fils était le témoin d’Aiden, il était censé conduire le marié.
Lorsque la nouvelle dévastatrice est tombée, tout le monde a voulu réconforter Pauline, on a tous voulu désespérément protéger son précieux cœur, mais elle était trop déchirée pour remarquer qui que ce soit d’autre. Tout était trop rapide et trop effrayant. (…) Apparemment, une voiture de sport a grillé un feu rouge et a foncé sur la voiture du marié. (…) L’homme sur le siège passager était mort à l’arrivée. (…) Le conducteur, le frère d’Aiden, a été emmené à l’hôpital mais son état était critique.
C’était si dur pour tout le monde. Son frère a finalement survécu, mais il est devenu tétraplégique à vie en raison de graves lésions à la moelle épinière. Pour autant que je sache, il est aussi malheureux d’être dans cet état parce qu’il aurait souhaité être celui qui décède dans l’accident et que son frère survive et se marie.
Juste après le mariage qui n’a jamais eu lieu, les parents de Pauline et de Aiden se sont occupés de vendre la maison qu’ils venaient d’acheter, et Pauline a continué de vivre avec ses parents. Comme ils avaient tous deux un emploi de bureau, ses autres amis et moi avons commencé à nous relayer pour tenir compagnie à Pauline lorsque ses parents n’étaient pas à la maison. Je faisais de mon mieux pour être là pour ma voisine et mon amie, mais la Pauline que je connaissais n’était plus là. Elle vivait dans une illusion, et la seule chose que l’on pouvait voir s’échapper d’elle était sa désolation. Je n’ai jamais vu une tristesse aussi profonde et déchirante. Pauline refusait d’enlever sa robe de mariée. Elle passait toute la journée à la fenêtre à attendre Aiden et toute la nuit à pleurer parce qu’il lui manquait désespérément. Chaque jour. Elle espérait que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne se réveille de l’autre côté et qu’il se souvienne de l’emmener avec lui. C’est pourquoi elle n’a pas voulu enlever la robe – il était mort avec son costume de mariage, il était donc normal qu’elle soit à son niveau.
Ses parents et tous ses amis ont essayé de la convaincre de changer de vêtements. Nous lui avons promis qu’elle pourrait toujours garder la robe près d’elle pour le jour où Aiden viendrait, mais elle savait que nous ne croyions pas vraiment qu’il le ferait. C’était comme promettre à son enfant de lui acheter un Happy Meal un autre jour. Personne n’a osé pénétrer son chagrin et la forcer à quitter sa robe. Elle passait ses journées dedans, a dormi avec, elle s’est même douchée avec ; comme le temps par chez nous est chaud et aride, la faire sécher n’était pas un problème, mais tout le reste l’était.
L’organza et la soie, autrefois magnifiques, étaient maintenant en lambeaux, sales et malodorants. Mais Pauline refusait toujours d’enlever la robe. Elle commençait à croire qu’Aiden ne pourrait pas la repérer dans la foule si elle ne portait pas sa robe de mariée. Il était impossible de la faire changer d’avis, et même si elle consultait un psychologue trois fois par semaine, son état ne s’améliorait pas. Son deuil et ses symptômes post traumatiques se transformaient en une maladie mentale plus sombre et plus permanente.
Elle a commencé à parler à Aiden, puis elle nous a expliqué qu’il était tout près, qu’elle le sentait arriver. Il prenait juste un peu plus de temps parce que voler est vraiment difficile quand on vient d’acquérir ses ailes. Puis un matin, elle a disparu pour de bon. Personne ne l’a vue partir, et personne ne l’a vue du tout après ça. La seule chose que nous avons pu trouver, dans le petit bosquet derrière la maison, était sa robe de mariée crasseuse. Elle avait deux grands trous percés dans le dos, comme si des ailes lui avaient poussé.
Après avoir trouvé la robe, tous ceux qui aimaient Pauline ont été soulagés ; sa mère a admis volontiers qu’elle croyait vraiment qu’Aiden était revenu pour la prendre. D’autres n’aimaient pas trop l’explication surnaturelle, mais le fait de penser qu’il y avait une chance que cela se soit produit nous a apporté un sentiment de soulagement. Ce n’est pas que nous étions heureux de sa mort, mais nous nous sommes conformés à la possibilité qu’elle trouve enfin la paix. C’était un ange, après tout. Pourquoi ne lui pousserait elle pas des ailes pour s’échapper de sa prison de chair ?
La famille a organisé un magnifique service commémoratif en son honneur, et lentement, nous avons tous commencé à avancer dans nos vies.
Maintenant, vous pourriez demander en quoi je crois. Je rirais amèrement, car, pour commencer, je n’ai pas ce choix.
Etant la personne qui a passé le plus de temps à regarder Pauline ces jours-là, il était tout à fait naturel que ce soit moi qui la trouve morte dans la baignoire. Cacher et ensuite se débarrasser de son corps a été la chose la plus difficile que j’ai jamais faite ; trafiquer la robe, par contre, m’a été tristement libérateur.
Pourtant, je pense qu’elle serait heureuse de savoir que j’ai simulé son enlèvement.
Une mort romantique et mystifiante lui convenait mieux qu’un suicide.
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