Ne réveille pas les morts

Je n’aurais jamais dû toucher à cette chose.

Tout a commencé il y a deux semaines. Je suis fossoyeur dans un cimetière oublié au fin fond de la campagne. Un boulot tranquille, en théorie. Sauf que cette nuit-là, j’ai dû enterrer un cercueil sans nom. Pas de cérémonie. Juste un corps, enveloppé dans des draps trop serrés, suintant d’un liquide brunâtre.

On m’a juste dit : “Ne l’ouvre pas. Ne pose pas de questions.”

J’ai fait ce que je devais. J’ai creusé. J’ai déposé le cercueil. Et alors que je jetais la première pelletée de terre, ça a bougé.

Un bruit sec. Un coup contre le bois. Puis un autre. Plus fort.

J’ai figé. Un rat ? Non. Quelque chose essayait de sortir.

Je voulais fuir. Mais l’instinct—ou la connerie—m’a poussé à rester. J’ai posé ma main sur le couvercle. Un battement. Comme un cœur qui cogne.

Puis j’ai entendu une voix.

Pas une plainte. Pas un cri. Une voix moqueuse. Un ricanement mouillé, étouffé par le bois et la terre.

Elle a murmuré :

“Trop tard.”

Le cercueil a éclaté en deux.

Ce qui en est sorti n’était plus humain.

Une carcasse sèche, tordue, la peau collée aux os, des orbites vides mais qui me regardaient. Ses doigts n’avaient plus d’ongles, juste des moignons saignants. Ses lèvres étaient recroquevillées en un sourire déchiré, révélant des dents trop nombreuses, comme si elles avaient poussé dans tous les sens.

Et ça bougeait trop vite.

Avant que je puisse hurler, la chose était sur moi. Son odeur… Putréfaction, métal chaud, sang noir.

Sa main s’est refermée sur ma gorge. Ses doigts sont entrés dans ma peau. J’ai senti mes veines éclater sous la pression. Mes os craquaient.

Elle a ouvert la bouche. Trop grande.

Et j’ai vu ce qu’il y avait à l’intérieur.

D’autres bouches.

Des dizaines, cousues ensemble, certaines aux gencives, d’autres à la langue. Toutes bougeaient. Elles mâchaient. Elles suçaient l’air.

Une mâchoire s’est détachée. Quelque chose a rampé hors de sa gorge.

C’était un visage. Mon visage.

Il a ouvert la bouche. Et il a hurlé.

La douleur a explosé dans mon crâne. J’ai senti mon corps s’ouvrir. Pas déchiré. Absorbé.

Le monde est devenu rouge et noir.

Puis plus rien.

Ce matin, ils ont retrouvé mon corps dans la tombe. Mon vrai corps. Enterré vivant.

Mais moi, je suis ici.

Je regarde.

J’attends.

Et j’ai faim.

Tant faim.

Ils m’ont enterré vivant.

Mais ce n’était pas moi.

Mon corps—mon ancien corps—est sous terre, avec cette chose à l’intérieur. Ils ont scellé la tombe, balancé une croix rouillée dessus comme si ça pouvait arrêter ce qui est en train de naître là-dessous. Ce n’est pas fini.

Moi, je suis ici.

Ou plutôt, quelque chose est ici.

Je ne ressens plus mon cœur battre. Plus besoin de respirer. Mais je vois. Je ressens.

J’erre la nuit. Personne ne me voit. Juste les chiens. Ils savent. Ils hurlent, reculent, urinent de peur avant de s’enfuir la queue entre les jambes.

Hier soir, j’ai suivi une femme en rentrant chez elle. Pas par choix. Mes jambes bougent toutes seules maintenant.

Elle a entendu quelque chose. S’est retournée. J’ai vu son visage dans la lumière du lampadaire : du dégoût, de la terreur, une envie de vomir.

Je ne savais pas pourquoi. Jusqu’à ce que je baisse les yeux sur mes mains.

Elles ne m’appartenaient plus.

La chair était gonflée, noircie, éclatée à certains endroits, laissant apparaître des tendons secs comme des cordes pourries. Des yeux humains étaient incrustés dans ma paume. Certains regardaient dans des directions impossibles. Un me fixait directement.

J’ai voulu hurler. Mais de ma bouche n’est sortie qu’une nuée de mouches.

La femme a couru.

J’ai voulu la laisser partir. Mais… mon ventre a grogné.

Une faim indescriptible. Pas de nourriture. Pas de chair. Autre chose.

Je l’ai attrapée avant qu’elle atteigne sa porte. Je ne sais même pas comment. Je n’ai pas décidé.

Elle a hurlé. Mon bras s’est enfoncé dans son ventre comme dans du beurre chaud.

J’ai senti ses organes bouger, comme s’ils se réveillaient.

Elle s’est figée. Son regard a changé. Plus de douleur. Juste… du vide.

J’ai retiré ma main. Son estomac est resté collé à moi.

Et à l’intérieur d’elle… quelque chose remuait.

Un autre moi.

Plus maigre. Plus affamé.

Ses doigts en os bruts ont commencé à gratter l’intérieur de sa peau.

Elle a ouvert la bouche. Ses dents sont tombées une par une, remplacées par des pointes noires.

Et elle a souri.

Je me suis enfui.

Mais elle me suit.

Et je crois qu’elle a faim aussi.

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